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Vertigo VERTIGO : ver'- ti - go __ a feeling of dizziness... a swimming in the head... Figuratively a state in which all things seem to be engulfed in a whirlpool of terror. Ce serait trop facile de m'identifier à l'un des protagonistes. Je ne suis pas plus l'un que l'autre, je suis leur ensemble. Quand j'étais gosse, on ôtait le sable des bacs pour le remplacer par de la farine, farine dans laquelle je me roulais sans broncher. Le décès n'est pas tel que rapporté, imaginé, fantasmé, comme en haut du clocher. Le lieu des possibles. Ce qui l'a précédé est resté empreint de silences, de mystères, de signes manifestes d'un profond trouble émotionnel. Carlotta, Karl ôté. Soustraction brutale. Ajouter votre grain de sel, jouez la madeleine, pas celle de Proust, mais la Madeleine, celle qui a pris la succession de la dynastie des Carlotta. Celle qui croirait à ses propres mensonges. Je suis la Madeleine démasquée, la Judy paniquée en haut du clocher. J'ai pourtant fini par croire être Carlotta. J'avais son sang dans mes veines, j'étais son imitation, sa copie, sa chair façonnée à son image. En haut du clocher, rien ne se passe jamais comme on le croit. Ce n'était pas une simple mort, c'était de l'illusionnisme, le maquillage d'une histoire plus terrible encore. Et maquillé, le cadavre est un objet affreux, étranger, un corps non identifié. Carlotta la suicidée laissait échapper un cri pendant la mort pieuse, arbitraire, et totalement accidentelle, bien que façonnée de toutes pièces, de Carlotta la perdue trop tôt. Alors, comme Scottie façonne Judy à l'image de Madeleine, elle-même à l'image de Carlotta, je me suis effacé au profit d'une projection de Karl ôté. Je rêve parfois de ce couloir de miroirs qui se finit dans l'obscurité, de cette ombre imposante qui traîne les pieds. Silhouette, simple ombre d'un ego tourmenté, d'un passé redondant, d'un moi occulté, pour permettre à Karl ôté de ressusciter. Pour affronter mon vertige, Karl ôté doit mourir une troisième fois. Il est déjà mort tel qu'on me l'a raconté. Il est aussi mort sans maquillage, crûment, même si la pendaison, c'est pas ce qu'on fait de plus glamour. C'est la version recréée de Carlotta / Karl ôté que je suis qui doit mourir, à présent. Reste à savoir si je survivrais à cette projection de Karl de moi sur moi-même. Peut-être que j'y passerais avec, qu'il n'y a pas de support sous la projection, que je suis la projection, une application bête et méchante de l'éternel retour. Par peur de l'oubli, j'ai préféré le devenir au souvenir, j'ai imprimé les attitudes, les convictions, le noeud coulant. Je ne peux jurer de rien, je n'étais pas en haut du clocher quand c'est arrivé, tout paralysé que j'étais, coincé par le vertige dans la cage d'escalier. Je me souviens juste du cri du téléphone, du corps qui s'affaisse sur lui-même, ramassé, comme dépouillé de toute vie. Et de cette sensation de tomber, de tomber encore...
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