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A corps perdu
"C'est
très impressionnant, une crise d'angoisse. Même si c'est très différent
d'une personne à l'autre... Chez moi, l'esprit ne fonctionne plus que
par à-coups et le corps ne répond plus normalement. C'est un abîme
insupportable parce qu'il laisse entrevoir un dysfonctionnement intime
inexpliqué et incontrôlable. Je n'ai pu qu'adapter ma vie autour de ce
désordre aléatoire."
[...]
"On
a tous des manières différentes de réagir au deuil, à la douleur, au
manque. Certains parlent, argumentent, échafaudent des théories,
longuement, comme pour combler le vide... D'autres, au contraire, se
taisent avec l'application de l'enfant concentré sur un problème
mathématique. Pour ma part, les peines intenses m'anesthésient. Que je
parle ou que je garde le silence, je suis alors vide. Le subit
anéantissement de mes émotions semble être mon système personnel de
protection. Je suis alors capable de continuer. Une part de moi
s'occupe des autres, des relations sociales, de l'intendance, en
somme... tandis que l'autre habite mon lopin d'enfer soigneusement
privé, à l'abri des regards."
[...]
"J'ai
longtemps confondu l'artiste et son oeuvre... On peut être un grand
artiste et un sale con, on peut faire des choses très belles en étant
soi-même assez moche. On peut saisir toute la beauté du monde sur du
papier mais n'en jamais faire partie. C'est étrange : comment peut-on
être à ce point dépassé par ce qu'on fait ? Mais si l'oeuvre est
meilleure que l'artiste, pourquoi ne l'améliore-t-elle pas ? La main
frôle le divin quand les pieds pataugent dans la médiocrité... Que l'on
préfère l'un ou l'autre, le messager et le message ne se fondent
peut-être jamais... Mon boucher est un type abominable, mais son jambon
sec est un pur moment de bonheur... L'art et la charcuterie..."
[...]
"Avant d'oublier,
je voulais vous dire que je ne vous oublie pas,
Papa"
[Manu Larcenet,
Le combat ordinaire]
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