J'espère que vous savez nager.

    Je suis serein. J’ai confiance. Peut-être parce que j’ai senti qu’il restait des soupçons de trucs récupérables chez moi. Un simple regard au-dessus du gouffre d’amertume que je suis. Peut-être parce que je sais que si je vois quelque chose briller au fond de ce gouffre, je sais pertinemment que je n’irais pas plonger au fond pour l’attraper. Eh, y’a pas marqué "con" non plus. Le savoir me suffit, pour le moment. Peut-être que je manifeste plus d’émotion qu’une plante verte, finalement. Que je suis capable de sourire sans penser aux funérailles de mes pires ennemis. Peut-être que je ne suis pas qu’une série de scénarios improbables collés bout à bout.

Peut-être que je peux être heureux parce que j’ai touché le fond.

Peut-être que je suis juste une blague de mauvais goût parce que mon père avait peur que ma mère trouve quelqu’un d’autre. Peut-être que savoir que je suis encore capable d’émotions violentes est une fin en soi. Ou peut-être qu’on s’en branle. Ouais.

Peut-être que ma peur d’être un connard aseptisé me cloue au sol. Peut-être que j’ai bien plus changé que je ne veux le reconnaître. Peut-être que j’en ai plus rien à foutre et que ça me débloque un certain nombre de portes. Peut-être qu’un jour j’arriverai à dire les choses de façon plus construite. Ou pas. Après tout, le chaos est passablement confortable. On prend, on jette, youplaboum, sans se soucier des transitions, de la réception. Sans se soucier de rien, sinon de se rester fidèle. Je construis, je démolis, je suis mégalo, j’assume. Peut-être que c’est ce genre de raisonnements à la con qui ont fait de moi un solitaire. Peut-être que j’ai pressenti que je n’étais pas fait pour le contact, que ce n’est pas un hasard si j’ai passé une partie non négligeable de mon enfance dos à la porte pour rester seul dans mon espace. Peut-être que je surjoue sur ce tableau parce que l’idée de mourir seul me laisse libre du comment, du quand, du pourquoi. Peut-être que sans cette liberté je me sentirais affreusement mal. Que je n’aurais jamais pu enchaîner ces choix aussi incohérents sans états d’âme. Alors finalement, tant mieux. Je ne regrette rien. Ou alors, peut-être que je ne suis qu’un trou du cul qui essaie juste de se rassurer en essayant de se persuader qu’il a toujours tout choisi.

Et peut-être qu’un jour mes idées vont faner, que je ne serai qu’un imbécile de plus qui rêve d’une famille aimante, d’un 4 x 4, d’un écran plasma et d’un labrador. (Peut-être que je devrais arrêter les romans d’anticipation présentant des perspectives d’avenir sinistres, huhu.) Peut-être que finalement je trouverai ça trippant de jouer à être quelqu’un, à faire le connard dans un bureau, à construire du rien à partir d’un discours creux pour des gens vides. Peut-être qu’aspirer à une vie moins sophistiquée, c’est quelque chose de trop prétentieux, maintenant. Je ne considère pas ça comme un manque d’ambition, mais comme un excès d’ambition, n’en déplaise à l’INSEE et aux cadres de la nation. Peut-être que je suis juste un putain de rustre adepte de tout ce qui peut être bancal ou rudimentaire, et que ça ne va pas chercher plus loin que ça. Peut-être que si un jour je revois mon jugement, je considérerai une grande partie de ma vie révolue comme un échec total, et que cela me précipitera sous un train, pas même par choix, mais par désespoir. Et ça, ce serait une putain de loose. EPIC FAIL. You-pi. J’exige qu’on disperse mes cendres dans la litière du chat, si cela se produit.

Ou peut-être que je suis juste trop con, à croire qu’ils aiment réellement leur routine conventionnelle. Qu’ils jouent trop bien pour moi. Je suppose que c’est en rendant les choses complètement tordues que j’arrive mieux à les accepter. Parce que je bascule dans la stérile fiction.

Et peut-être que je suis vraiment une série de scénarios tout aussi improbables les uns que les autres, finalement.