Composition
Des
oiseaux se battent, ou bien s’ébattent. Incohérente bataille nuptiale.
Un papillon s’éteint sur le goudron, à côté d’une cuillère tordue
gorgée de terre sèche. La lune luisante domine une dune de verdure, et
le ciel se dégrade, se fond dans la tourelle moyenâgeuse surmontée de
métal rouillé. Un sac plastique gît là, négligemment éventré. Déversoir
de petits pains ou fleurissent les fourmis. Les rangs d’ouvrières
viennent se faner sur les mots, toujours les mêmes. Encore là,
dégoulinants depuis ma tendre enfance. Animal = vie, viande = mort. Je
sais. Je sais la métaphore. Et tout cela prend forme. La nuit se
compose. Les éléments concordent l’espace de l’instant. Et la pression
devient souffle. Où et quand il prendra fin. Eventer les éventualités.
Potentiel nihil.
(murmuré) Tu sens
le renfermé mec.
Sensible
à l’indicible ? Réceptif ou déconnecté ? Peu importe,
me voilà à la
gare. Passerelle vers le possible. Départ, alternative ou fin. Fais ton
choix camarade. Les arbustes aux lueurs incertaines se stabilisent à
mon passage… leur halo faiblard se révèle éblouissant. Alléluia.
L’alignement mathématique titille ma rétine. Et au dessus des voies
éternelles susurrent les voix. Ca aussi, ce n’est que du vent. Et le
souffle d’air vicié, insupportable, se meut en moi jusqu’à devenir
crachat. Tourne et virevolte avant de platement s’écraser sur le quai.
Puis mes pas me guident devant une inscription à la craie. Même imprimé
sur le bitume, ça n’en est pas moins du vent, ça aussi. Trois filles de
joie au sourire triste serpentent entre les ailerons cartonnés.
Prédatristes.
[…]
Choc de
sphères rouges et jaunes. Naissance d’une tumeur orange. Puis l’abcès
noircit, et s’en va crever dans un coin. Englouti.
[…]
Une
autre tumeur orange. Un feu de signalisation. Putain, qu’est ce que je
fous ? Ou je suis ? Et qui suis-je (pendant qu’on y
est) ?
(chuchoté)
Evitez la batterie de questions, c’est le secret de toute bonne
problématique…
Ta gueule,
mais ta gueule !
Peu
à peu les lieux recouvrent leur familiarité, mais l’identité demeure
floue. J’évite la difficulté, dissimulé derrière un nom. Succession de
phonèmes qui sonne creux. Qui
suis-je ? Vincent. (agrémenté d’un rire sarcastique)
[…]
Il
est 01h30. Assis sous un abribus, j’essaie de comprendre les choses que
j’ai écrites. Là réside toute la différence entre un illuminé et un
allumé. Amen. Mièvres et sinistres, des mots vides. Des propos
d’ivrogne à jeun. Les gens en voiture se fichent de moi, sans doute
parce qu’aucun bus ne daignera plus me ramener. Une voiture ralentit et
on me lance un (du
ton qui précède le cassage de gueule) Pour qui tu te
prends ?
Visiblement
la réponse importait peu puisque le conducteur m’a planté sur ces cinq
mots. Et pourtant, derrière la gratuité agressive, une vraie question,
de quoi se prendre la tête toute la nuit. Super, vraiment. J’aurais
préféré qu’on vomisse sur mes chaussures. Je suis un parfait inconnu,
un étranger aux autres comme à moi-même. Quand on n’est pas, est-il
possible de se prendre pour .. ? La
question est restée entière, et la soirée a basculé de la composition à
la décomposition… Sans réponse. Pourriture va.
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